22/04/2025
Bien avant que les cloches des villages ne rythment les journées ou que les haltes forestières de nos forêts domaniales ne voient passer des randonneurs du dimanche, la Haute Sarthe était déjà peuplée. Les premières traces humaines datent de la Préhistoire, avec des découvertes d’outils en silex dans la vallée. Ces indices nous rappellent que ses terres fertiles ont attiré bien des hommes dès qu’ils ont commencé à poser leurs premiers camps.
Durant l'Antiquité, la région faisait partie du territoire des Aulerques Cénomans, un peuple gaulois que César mentionne dans ses récits sur la Gaule. Les environs étaient parsemés d’habitats ruraux et agricoles, où la Sarthe, cette douce rivière éponyme, jouait déjà son rôle nourricier et stratégique. Plus tard, la Pax Romana (paix romaine) favorisera le commerce et les échanges. Quelques vestiges gallo-romains, notamment à Sainte-Sabine-sur-Longève, témoignent encore de cette époque.
Arrivent les siècles médiévaux, et avec eux, les grands bouleversements sociaux et religieux. La Haute Sarthe s’organise en seigneurie, et les bourgs se densifient autour des abbayes et des places fortes. L’Abbaye de Perseigne, en forêt de Perseigne près de Neufchâtel-en-Saosnois, est un exemple frappant de ce pouvoir spirituel. Bâtie au XIIe siècle par les moines cisterciens, elle devint un haut lieu religieux influent dans tout le Maine.
C’est aussi à cette époque que se déploie l’art de la fortification. Les châteaux féodaux, dont certains subsistent encore tels des sentinelles du passé – comme celui de Fresnay-sur-Sarthe – témoignent d’un besoin vital de protection face aux guerres féodales et aux invasions normandes. Les « chemins creux » qui traversent le bocage datent également de ce temps, empruntés par les pèlerins, les paysans, et parfois les bandits de grand chemin.
La vie économique médiévale dans les pays de la Haute Sarthe s’articulait autour de deux pôles : les foires animées, où se croisaient marchands et artisans, et les forêts généreuses qui fournissaient bois, gibier et charbon. La forêt de Perseigne, immense et mystérieuse, recouvrait une grande partie de la région et demeurait un espace stratégique aussi bien pour la chasse que pour l’économie locale.
Avec la Renaissance, un vent de modernité souffle même sur la Haute Sarthe. Les châteaux évoluent pour devenir des demeures seigneuriales plus confortables. C’est d’ailleurs à cette période qu’apparaît l’étonnant Manoir de Couesme, un bijou d’architecture situé près de Saint-Cosme-en-Vairais.
On pourrait croire que cette petite région champêtre aurait été épargnée par les grands tourments de l’Histoire. Pourtant, on sait que c’est une époque où la population locale devait jongler entre deux grands soucis : les guerres de religion qui n’épargnèrent pas les campagnes et les lourdes taxes pour financer les projets royaux. Les cahiers de doléances de l’époque retracent une vie rurale encore marquée par de fortes inégalités sociales, mais aussi une incroyable résilience et un certain art de vivre qui s’ancre dans les traditions.
Au XIXe siècle, la Haute Sarthe entre dans une nouvelle ère. Avec la révolution industrielle, les modes de vie changent, notamment autour des bords de la Sarthe. L’arrivée du chemin de fer dans les petites communes comme Sillé-le-Guillaume ou Fresnay-sur-Sarthe – ces fameuses « lignes secondaires » souvent oubliées aujourd’hui – favorisent le commerce rural.
C’est aussi une époque où l’on valorise la production agricole, avec l’évolution de techniques comme le labour ou les semailles. La région devient un véritable grenier pour les villes environnantes. Outre les champs de céréales, l’élevage gagne en importance, notamment celui des chevaux. La race percheronne fait le lien entre la Haute Sarthe et le Perche voisin, témoignant du dynamisme des campagnes.
Mais l’industrialisation n’apporta pas que des avantages. Les campagnes se dépeuplent à mesure que les jeunes partent travailler dans les grandes villes, provoquant parfois une désertification rurale évidente, encore perceptible dans certains coins.
Le XXe siècle marque la Haute Sarthe de ses tragédies mais aussi de ses renaissances. Durant les deux guerres mondiales, les villages ont payé leur tribut, les noms gravés sur les monuments aux morts en témoignent. La Résistance locale dans la forêt de Perseigne rappelle aussi le rôle courageux joué par cette région dans l’Histoire collective.
Mais les années d’après-guerre marquent un retour à une vie plus paisible. Les fêtes de village, comme les comices agricoles, reprennent leur place. Les traditions, jusque-là menacées, se maintiennent dans les marchés, les foires et les nombreux festivals champêtres qui célèbrent la gastronomie locale (pommes, cidre et autres merveilles du terroir).
Aujourd’hui, les Pays de la Haute Sarthe ont bien changé tout en restant fidèles à leurs racines. Ce territoire respire la douceur, alliée à une nature sauvegardée et un véritable respect des traditions. Il n’est pas rare d’y croiser des amoureux des vieilles pierres, des cyclistes parcourant les chemins ou des curieux cherchant des coins oubliés de carte postale.
C’est une région où, finalement, le passé ne s’efface jamais totalement. Des abbayes romanes aux marchés paysans du samedi, du murmure des foires médiévales au cliquetis des draisines sur d’anciennes voies ferrées, l’Histoire imprègne tout. La Haute Sarthe, c’est ce savant mélange d’hier et d’aujourd’hui qui en fait un territoire unique à explorer.
L’histoire, après tout, ne s’arrête jamais. Elle continue de se tisser, même ici, entre les collines et les forêts. Alors, la prochaine fois que vous parcourrez les Pays de la Haute Sarthe, pensez à la longue histoire qui a façonné ces paysages – mais laissez aussi un morceau de la vôtre. Qui sait, peut-être que les générations futures parleront de ces visiteurs émerveillés qui prenaient le temps de découvrir, à leur tour, ce coin préservé.
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